Après l'orage
Je reprends conscience après 3 heures de masturbation.
Alors que les derniers jets s’écrasent sur mon plancher, je respire à nouveau.
Comme si je sortais la tête de l’eau, je redresse mon menton et je regarde le collage de Nataniel dans le cadre jaune, derrière mon écran d’ordinateur.
Un garçon tient autour de son torse une photographie de poitrine féminine sur laquelle est écrit "pédé" à la peinture noire.
Je coupe le film, un peu dégoûté de voir « Marcus » s’agiter encore sur la pauvre gamine avec qui il partage la vedette, alors que j’ai déjà fini de jouer.
Je change de bande son et je souris.
Je ris même, comme un idiot.
Elle était drôle cette histoire !
Cette histoire de couple misérable. Cette aventure porn trash domestique.
Une petite escapade sur le tabouret de la cuisine, entre les torchons et l’essuie tout.
Mais sans uniforme ! Il ne voulait pas. Comprenne qui pourra.
L’équilibre d’un couple tient parfois à peu de choses.
Un peu d’affection, beaucoup d’amour, une part de mystère.
Mais il suffit d’un écart, d’une seule faute de vigilance pour que le secret s’efface devant l’aveu d’une petite trahison.
Voila quelque chose que Cassia connaît bien.
Bonne pomme, malade pourtant, elle n’avait pas la santé d'un légume frais.
Ainsi elle se lève doucement et allume l’ordinateur de son mon mari pour chercher sur les pages jaunes l’adresse d’un médecin.
MSN se met en marche. Et avec lui, la page d’accueil.
Premier acte. Que dis-je, Dernier acte. Première scène.
Derniers messages reçus. Jeune Keum. Pas encore lu.
Objet : Re : ++Salut++
Ceci est une réponse… à un certain Johan Casa.
Johan Casa. C’est comme ça qu’on l’appelait. Ténébreux mâle, rugissant de désir.
Il avait prouvé qu’il avait un certain succès. Sur ma-queue.com notamment, où les internautes avait donné à son délicieux organe la note savoureuse de 5.74
Petit score !!! Oh, non…
C’est qu’ils ne connaissaient pas la force tranquille et les élans retenus du beau Johan. Ses séduisantes crispations avant l’éjaculation. Et autres plaisirs dont il avait le secret.
Johan avait donc apparemment gratifié un Jeune Keum d’un ++Salut++ auquel l’autre avait répondu. Le début d’une histoire peut être. Ou le dénouement d’une autre.
La jeune femme ferme le clavier, horrifiée. Elle ne pouvait pas croire ce qu’elle venait de voir.
Comme lui avait appris sa vieille mère, elle ne devait pas tirer de conclusions hâtives, ni tirer quoi que ce soit qui ne soit pas cachère, pendant le mariage.
Pauvre petite chose, quelle terribles pensées pouvait alors lui traverser l’esprit !!
« Je ne serais donc pas la seule, se disait-elle.
Il me disait pourtant qu’il voulait m’offrir des fleurs.
Qui honorera désormais ma maison ? »
Cassia retourna se coucher dans le lit nuptial.
Elle réveille d’un coup d’épaule son Johan et lui demande, l’air mystérieuse.
« Johan, connaissez vous ce Jeun Keum ? »
« Non, Cassia. Je ne sais pas de quoi vous parlez »
Ah. La voilà rassurée.
Ses parents lui avait inculqué quelques principes.
On lui avait appris de ne jamais douter de la parole de son mari.
C’est d’ailleurs la leçon de moral du dernier film qu’elle avait vu : Mystique River.
Doutez de la parole de votre mari, et il mourra !
Que Dieu l’en préserve.
« N’y pensez plus Cassia. Ce n’est qu’une triste coïncidence. Dormez plutôt, et laissez le soleil illuminer votre visage assoupi.»
Qu’elle était heureuse Cassia, ainsi protégée par son cher tendre.
Elle se coucha dans le lit, lovée contre son homme, et chercha le sommeil, du plus profond de son être.
Mais je n’y arrivais pas.
Les remontées acides qui torturaient mon oesophage faisaient sens.
Une prédiction gastrique.
Je me lève et je retourne vers l’ordinateur.
Contrairement à Nat, ce n’est pas du tout dans mon genre de faire ce genre de choses, mais il y avait comme un masque de latex sur mon visage dont je n’arrivais pas à me défaire. Il fallait qu’il s’en aille.
Je rallume l’ordinateur, en appuyant vicieusement sur le bouton « silencieux », en priant pour que Windows reste discret. Qu’il ne me fasse pas le traditionnel « coup de la bibliothèque ».
S’il se réveillant, alors que je lisais le message, et qu’il ne s’agissait que de dissuader un mec ou de refuser une proposition, j’aurai l’air sacrément conne. Prise au piège de ma curiosité, avec mon caleçon de travers et ma tête de déterrée.
Mais non.
Opération réussie.
Je lance MSN et j’ouvre sa messagerie.
Le message de Jeun Keum est effacé. Il a du le faire pendant que j’étais dans la salle de bain.
Je me maudis de jouer à l’inspecteur gadgeto-huissier. De me soumettre à un constat de faute conjugale.
J’ouvre la boite des message effacés.
Jeune Keum n’est pas là.
Mais avant lui : militaire30ansTBM
From: militaire30atbm
To: Johan Casa
Subject: Militaire 30a TBM
Date: Fri, 21 Apr 2006 17:55:01 +0200
>Mais je suis rentré chez moi mec!!
>
>Selon Johan Casa :
> > oui envoie sms pr savoir si je suis chez moi
> > a plsu
>
> > From: militaire30atbm
> > To: Johan Casa
> > Subject: Militaire 30a TBM
> > Date: Fri, 21 Apr 2006 17:49:00 +0200
> > >J'ai finis mon RDV il y a 30 mn alors j'ai décidé de rentrer et me voilà...
> > >Désolé, je savais pas si tu seai toujours chez toi, et comme j'étais en
> > vélo....
> > >Dispo demain midi??
> > >
> > >LOIC
> > >
> > >
> > >Selon Johan Casa :
> > > > tu vien ou pas ??
> > > >
> > > > From: militaire30atbm
> > > > To: Johan Casa :
> > > > Subject: Militaire 30a TBM
> > > > Date: Thu, 20 Apr 2006 20:34:02 +0200
> > > > >Ok, je serai là à 16h, 16h30 si mon RDV est plus long que prévu.
> > > >
> > >
> > > > >
> > > > >Selon Johan Casa :
> > > > >
> > > > > >
> > > > > > sans unif alors...
> > > > > > moi 068559**** aurelien metro couronnes ligne2
> > > > > >
> > > > > >
> > > > > >
> > > > > >
> > > > > >
> > > > > >
> > > > > > From: militaire30atbm
> > > > > > To: Johan Casa :
> > > > > > Subject: Militaire 30a TBM
> > > > > > Date: Thu, 20 Apr 2006 20:31:28 +0200
> > > > > > >Non, je ne viendrai pas , je kiff pas plans uunif
> > > > > > >
> > > > >
> > > > > >sallut mec
> > > > > > >
> > > > > > >
> > > > > >
> > >Selon Johan Casa :
> > > > > > > > OK PR 16H ,,?? OU PLUS TARD, OUBLIE PA UNIF
> > > > > > > >
> > > > > > > > From: militaire30atbm
> > > > > > > > To: Johan Casa :
> > > > > > > > Subject: Militaire 30a TBM
> > > > > > > > Date: Thu, 20 Apr 2006 19:31:01 +0200
> > > > > > > > >Oui, mais on avait dit 15h mais j'ai RDV à cette heure là,on dit
> > > > > > ensuite??
> > > > > > > > >je serai à porte St Martin dans Paris limite 10/11è je crois...
> > > > > > > >
> > > > > > >
> > > > > > > > >
> > > > > > > > >
> > > > > > > >
> > >Selon Johan Casa :
> > > > > > >
> > > > > > > tjs ok pr demain ?
> > > > > > > > > >
> > > > > > > > > > From: militaire30atbm
> > > > > > > > > > To: johan casa
> > > > > > > > > > Subject: Militaire 30a TBM
> > > > > > > > > > Date: Wed, 19 Apr 2006 14:29:04 +0200
> > > > > > > > > > >Voilà, alors, toujours ok?
> > > > > > > > > > >
> > > > > > > > > > >Mais t'es comment, act ou passif, rech quoi et dispo now?
> > > > > > > > > >
> > > > > > > > >
> > > > > > > > > > >LOIC
> > > > > > >
> > > > >
> > > > > > > > > > ><< Sosie1-.jpg >>
> > > > > > > > > >
> > > > > > > > > > ><< Sosie4-.jpg >>
> > > > > > > > >
> > > > >
> > > > > > > > > > ><< Keu4-.jpg
Cassia n’en croyait pas ses yeux.
Ce n’était sûrement pas le seul.
Inutile de vous raconter la scène qui se déroula ensuite.
Il est question de chiffons brûlés, de serviettes de bain trop usées.
Un homme qui se lassait des charmes de sa femme.
Une femme délaissée, qui astiquait la maison, le manche de son balai bien en main, en attendant sagement son mari.
Un passage à l’acte de trop. Un fantasme qui n’aurait pas du être assouvi.
Un aveu enfin : ce n’était pas la première fois, mais la 4ème, la 5ème peut être même…
Mais pas un pleur. Non, pas un.
Ni d’un côté, ni de l’autre.
Cassia partit, et rejoignit sa demeure, légèrement fébrile.
Lorsqu’elle regagna Odéon, Cité Impériale des Vilaines, un sourire lui échappa.
Elle se sentit à nouveau chez elle.
Après tout, ce n’était qu’une histoire banale, de PD trompé.
Un scénario assez mauvais. Un film dont on s’était vite ennuyé. Et des acteurs assez médiocres.
Quelle fatigue que tout ça ! Mon dieu, quelle énergie perdue.
Et ce pauvre Johan. Comme il devait se sentir couillon, d’avoir été pris la main dans le sac.
Petit filou.
Je pensais que le problème venait de moi.
Je commençais à me dégoûter. Et de le repousser autant, et de me satisfaire de ses miettes.
Je voulais changer de métier, changer de pays, changer de vie.
En tout cas je ressentais le besoin de m’échapper.
Mais l’illusion est levée.
Boolie n’existe pas. Reste le sulfureux Johan.
J’ai pourtant hésité. Assis sur la chaise, dans la pénombre, je regardais son visage, perplexe.
Bientôt six mois. De l’inédit pourtant.
Je pouvais encore faire comme si rien ne s’était passé, remettre le masque.
Mais j’aurais signé mon arrêt de mort.
Avant de claquer la porte, j’ai pris mes clefs et j’ai déchiré la carte postale de Barbara Kruger.
Quel geste bête !! Ridicule même !
Mais sans concession.
Je n’ai jamais aimé les reproductions.
BIEN HAUT LE GOYARD !!
